A propos de Dune 2…

Réflexion, brève et tardive, qui me vient à la suite du visionnage de Dune 2.

Au-delà du film – d'une qualité moyenne, dont la critique est visible ici https://mackerel-caper 6f3s.squarespace.com/config/pages/66d09e2b31da747b5ff5f9ca/content – il se joue dans le film de Villeneuve une surprenante bascule, en mème temps qu’un point d’avancement dans l’imagerie et les positions idéologiques post 11 septembre que charrie le cinéma américain depuis l’effondrement des tours.

Là où Hollywood se contentait depuis vingt ans de dresser une critique de la guerre en Irak/Afghanistan en se maintenant toujours arrimée à une présence américaine, qu’elle se déploie par le biais d’une radiographie des traumatismes de guerre des GI’s ( American Sniper, Homeland ), une satire d’un gouvernement tantôt peuplé d’idiots ou de cyniques ( Vice pour le premier, Mensonges d’Etats de Ridley Scott pour le second ) ou la mise à nu de l’inanité d’une chasse terroriste mondiale ( la fin, d’un pessimisme noire, de Zero Dark Thirty ), voilà ici une œuvre grand public qui s’invite directement dans le repaire de l’ennemi ensablé pour prendre les armes avec lui. S’installant dans des lieux topographiques vues comme répulsifs pendant longtemps ( les cavernes, au fond du désert, hier nécessairement terreau d’islamistes belliqueux - revoir le premier Iron Man là-dessus - aujourd’hui accueillantes, bienveillantes et gorgées “d’eau de vie” ), le blockbuster à 200 millions s’y loge dorénavant pour jouer les résistants face à un envahisseur venu du ciel. A l’exception d’Avatar ( mais qui évoluait dans un biosphère mois symbolique), voilà donc le retour de l'invisibilisé, du refoulé, le champ qui regarde enfin le contrechamp, et accomplit d’ailleurs plus que l’observation en l’adoptant totalement. Paul Atréides, rejoignant le peuple Frémen, s’engage à en prendre les usages, les coutumes, la langue sans mème y rechigner. Relique moderne et contrepied total du modèle occidental et à fortiori américain, l’intégration s’y opère par assimilation totale. Soit effacement du nom ( Atréides devenant paul Muad’ib, nomination aux consonnances orientales qui se conjugue en plus avec le rôle de prophète sanguinaire auquel son parcours le promet ) et de la culture d’origine, à l’exception, notable, de l’art martial, qu’il apprend à la tribu. A ce titre-là, l’on pourrait presque voir le nœud scénaristique visant à placer des armes atomiques au sein de ce Dune 2 autant comme une prescience politique visionnaire de Herbert que comme un clin d’œil sardonique de Villeneuve à l’histoire récente.

Que voir dans ce revirement idéologique ? Le signe que la géopolitique américaine s’est déportée vers d’autres territoires que le Moyen Orient ? Que les stigmates de l’Irak sont refermés ? Ou bien que le cinéma américain se trouve aujourd’hui moins concerné par ses héros que par ses victimes, par celui qui reçoit la bombe plutôt que celui qui la lâche ?

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