Les anneaux de Pouvoir saison 2 : Bilan de mi - saison.
A la suite de la diffusion des quatre premiers épisodes, l’heure est venue de dresser un court, et forcément peu exhaustif, état des lieux de cette saison 2 des Anneaux de pouvoirs.
J’avais quitté la première saison avec des sentiments mêlés : Le naufrage, abondamment répandu par des critiques soudainement stalinien de dureté, n’y était pas. Certes, le scénario était passablement étiré, certains personnages inutiles ou embarrassants, mais la série cumulait quelques vertus devenus artefacts disparus de la pop culture contemporaine : Un rythme lent, idoine pour conduire l’ambition du tragique comme clef de voute de l’histoire, couplé à une forme de gravité et de ton strictement premier degré. A quoi s’ajoutait une superbe BO et surtout une facture visuelle plutot stupéfiante à la faveur notamment de la présence de Juan Antonio Bayona ( réalisateur de L’Orphelinat, Le Cercle Des Neiges…) sur les deux premiers épisodes. La série la plus chère de l’histoire justifiait son titre et s’approchait dans de rares instants, à pas très très lointains mais c’était déjà cela, de la maestria opératique de Jackson. La réception ayant toutefois été féroce, il y avait bon espoir de voir les showrunners corriger le tir sur certains éléments dysfonctionnels et lancer l’épopée pour du bon.
C’est raté. D’abord, l’absence de Bayona cause un tort inouï. Sa disparition s’accompagne d’une déperdition dans la peinture de la vision mythologique et du souffle nécessaire pour la porter. Le charme lyrique, passé la surprise de la découverte des différents lieux de la première saison, s’estompe et la série plonge dans une grammaire cinématographique insipide. Plan d’ensemble, plan de demi ensemble, champ contre champ : voilà à quoi se résume le style des Anneaux de pouvoirs, récit mythologique embrassant l’Avènement du Mal. Les scènes d’actions ? D’une mollesse affolante, quand elles ne sont pas bazardées ( l’attaque des Etres des Galgals sur les elfes ), entravées par l’intervention d’acteurs nullissimes ( le prologue avec la trahison de Adar ) ou tout simplement indignes de la charge mythologique du bestiaire affiché ( le traitement de Shelob, expédié en 3min chrono ).
Pire, cette saison 2, pour le moment, radicalise les plus médiocres éléments de la première : Des facilités d’écritures grosses comme des lianes et une écriture de personnages qui oscille entre l’aléatoire et le ridicule. Le personnage de Galadriel était critiquable dans l’interprétation dans la première saison mais il était limpide de caractérisation, avec des motivations claires. Ici, le spectateur se débat avec la vilaine impression d’avoir affaire à une autre personne tant son acharnement à vouloir à ce point garder et défendre les Anneaux des Elfes, pourtant souillés de la main de Sauron, n’est en rien justifiable. Le même effarement accompagne la réaction d’Adar ( qui bénéficie au passage d’un changement d’acteur peu emballant ) de laisser repartir Halbrand dans l’épisode 1. En échange de quoi ? Pour quels motifs ? Celebrimbor, dupé comme un ane par trois mots doucereux d’Annatar/Sauron, se place sur la mème lignée de raccourcis d’un script souffreteux. Il faut une sacré gorge pour avaler de telles couleuvres mème avec toute l’indulgence du monde. Surtout face à une histoire qui n’avance qu’au compte goutte, avec des segments entiers infichus de se doter d’intérêts dramaturgiques puissants. Les sous intrigues occupant l’Etranger ou Isildur sont d’une vacuité sidérante et creusent l’ennui d’épisodes déjà confortablement engoncés dans la soixantaine de minutes.
De manière plus générale, la dilatation de tous les personnages dans un espace informe, ou les croisements se font rares et peu soucieux d’une quelconque crédibilité temporelle et spatiale ( loin du soin maniaque apporté par Tolkien, puis Jackson, aux topos de la terre du milieu ) conduit le récit à un éclatement brouillon et inégal, qui peine à faire émerger une logique de bloc général et ressemble de plus en plus à un gros fatras de scénaristes bouffés par leur ambition. Ou va la série ? Que raconte t-elle ? Quel est le dessein global rassemblant tous ses êtres ? Il est absolument anormal que certaines intrigues fassent à ce point preuve de sur-place ( au hasard, celle de l’Etranger ) quand d’autres subissent soudain de fulgurantes accélérations ( Numenor ou la création des Anneaux à Eregion ) pour un temps d’écran pourtant relativement similaire.
Au fond, plus la série avance, plus se détache le sentiment pénible d’une narration davantage concernée par l’ambition de dégorger du fan service que de raconter une histoire pour elle mème. La saison 1 tombait déjà dans ce semi- travers en faisant de la révélation autour de l’identité de Sauron et de l’Etranger des mystères bavant jusqu’à l’ultime épisode, figurant un spectateur comme un mouton qui ne pouvait s’ébrouer que lorsqu’il entendait une cloche lui rappelant un écho familier. Mais elle avait pour elle l’excuse d’être un point de départ, voulant éventuellement se rattraper aux branches du passé pour pouvoir ensuite s’en défaire. Un tel alibi n’est plus valable aujourd’hui, quant cette saison 2 se confond surtout avec une visite guidée des meilleurs moments de la trilogie de Peter Jackson. Etait-ce nécessaire de faire revenir les Ents ? De refaire une séquence avec un arbre qui avale un homme dans son tronc, comme Sylvebarbe dans les Deux Tours ? De continuer à semer des indices autour de l’identité réelle de l’Etranger comme seul McGuffin possible de sa sous intrigue ?
Piétinements et boursouflures. Voilà qui résume le programme de ces quatre premiers épisodes de la saison 2 des Anneaux de Pouvoir. Il reste à la série l’autre moitié du chemin à parcourir. Mais c’est bien l’amère déconvenue qui pour l’instant accompagne le retour en Terre du Milieu.